samedi 3 mars 2007

Voyage dans le Néguev

Chers tous,
Ces deux jours de voyages dans le Néguev ont été vraiment très riches. Je ne pourrais pas tout vous raconter mais voici quelques événements marquants. Messe à 6h00 du matin pour un départ à 7.
Tout d'abord, il y a eu une surprise !!! Notre programme ne le prévoyait pas mais, comme la situation était calme nous sommes allés à Hébron. Nous avons suivi la Route des Crêtes, qui contourne Bethléem. Le paysage est splendide : les roches, la végétation, tout rappelle notre Languedoc. Tout, sauf le Mur qu'Israël construit soit disant pour se protéger mais qui a pour effet d'étouffer les Palestiniens chez eux. Il y a des villages qui sont entourés par le Mur, le brave paysan arabe doit faire 20 km de route, attendre des heures franchir un checkpoint où il a de bonnes chances d'être refoulé et humilié par des soldats israéliens pour aller cultiver ses oliviers ou sa vigne situés à 200 mètres de sa maison... C'est vraiment terrible. A Hébron, la tension est malgré tout palpable. La ville est clairement divisée en deux parties, juive et arabe. Le côté juif est nickel, luisant comme un sou neuf ; le côté arabe est moins soigné, c'est peu dire. Mais les juifs ont fait plein de misères au système d'évacuation des eaux usées des Arabes pour installer le leur... Hébron est donc le lieu traditionnel des tombes d'Abraham, Isaac, Jacob et de leurs épouses respectives. Genèse 23 raconte comment Abraham a acheté à Ephron la grotte de Makpelah pour y ensevelir sa femme Sarah. Sur cette grotte, Hérode a fait construire une enceinte qui est donc le monument hérodien le mieux conservé. La muraille est faite des blocs tout à fait semblables à ceux du Temple de Jérusalem. On pense que la partie supérieure du Mur des Lamentations, maintenant disparue, était décorée elle aussi de ces sortes de pilastres que vous voyez sur la photo. Les croisés ont utilisé l'enceinte hérodienne pour bâtir une église gothique que les musulmans ont transformée en mosquée au début du 13° siècle. Maintenant, le lieu est à la fois juif et musulman puisque les deux religions revendiquent le patriarche comme ancêtre. Nous avons eu des difficultés à pénétrer dans les lieux. Normalement les chrétiens ont accès aux deux côtés mais là malgré nos négociations, il fut impossible de faire fléchir les soldats. Nous sommes donc passés du côté musulman, où nous avons pu passer. Il a fallu se déchausser, bien évidemment. La mosquée recouvre la moitié du bâtiment et contient les cénotaphes d'Isaac et Rebecca. Entre eux deux, le mirhab, une niche ornée, indique le sud, la direction de la Mecque. A côté, un panneau électronique indique une série de chiffres. Sont-ce les taux de change ? Le dernier tirage du loto ou du Keno ? Non, il s'agit des heures auxquelles le muezzin doit appeler les fidèles à la prière... Les horaires sont fonction du soleil et varient donc légèrement chaque jour. Les cénotaphes d'Abraham et de Sarah sont encastrés dans le mur de séparation de la mosquée et de la synagogue ainsi les juifs comme les musulmans peuvent les vénérer. Derrière la petite fenêtre, c'est la synagogue et la prière était fort bruyante. Normalement, les juifs ont accès à tout l'ensemble le jour de sabbat mais les musulmans sont cantonnés à la mosquée... Le 25 février 1994, un juif extrémiste s'est introduit dans la mosquée et a tué une trentaine de musulmans. Cela a provoqué des troubles assez importants et les liens des deux communautés sont extrêmement tendus depuis. Hébron est aussi le lieu où David fut roi sur Israël avant la conquête de Jérusalem mais aussi le centre de la rébellion d'Absalom contre son père David (2Sm 15).
Nous avons continué notre route, progressivement nous avons quitté les collines de Judée pour pénétrer, aux environs de Beer Sheva, dans la steppe du Néguev. Nous nous sommes enfoncés dans cette steppe (entre 50 et 200 mm de précipitations par an). Pour visiter Shivta, il s'agit d'une cité nabatéenne et byzantine. Sur place, le vent était très fort et nous avons même eu quelques gouttes de pluie. La ville est assez grande et fut fondée au 1° siècle par les Nabatéens. Au premier siècle avant l'ère chrétienne, les Nabatéens (des négociants nomades du nord de l'Arabie) fondèrent, dans l'actuel royaume de Jordanie, un royaume ayant pour capitale Petra. Ils accumulèrent une grande richesse grâce à leur commerce de parfums, de soie et d'épices de prix, qu'ils transportaient par caravanes de chameaux de l'Afrique orientale et d'Arabie jusqu'au port de Gaza, au sud de la Méditerranée. Pour assurer la sécurité sur leurs routes commerciales, les Nabatéens construisirent des relais aux intersections des principaux axes.
Dans l'inhospitalier désert du Néguev, les Nabatéens développèrent, sur les collines, une agriculture en terrasses, et mirent au point un ingénieux système pour recueillir la moindre goutte d'eau ; pour récupérer l'eau des crues, ils construisirent des barrages dans les vallées ; pour recueillir l'eau de pluie, ils creusèrent des citernes dans le roc.
En l'année 106, le royaume nabatéen fut conquis par les Romains qui l'annexèrent à leur empire. Les habitants de Shivta ont été rapidement christianisés et il y a donc trois églises dans la ville. Vous voyez là la petite église sud. Remarquez le joli linteau de la porte, sculpté avec des croix. On en retrouve beaucoup. Juste à côté de l'église, une petite salle, ornée de colonnes, à une petite niche orientée au sud. C'est la mosquée qui montre la pénétration relativement pacifique mais rapide de l'Islam dans la région.L'église sud fut construite au milieu des édifices de la période romaine, près des citernes. L'abside principales est flanquée de deux petites absides latérales ornées de peintures murales encore très partiellement visibles. Pendant la dernière phase, plusieurs pièces furent ajoutées au nord de la basilique, notamment des chapelles, un grand baptistère aux fonts baptismaux en forme de croix. L'église nord est une grande abbatiale avec atrium, baptistère... Derrière les absides latérales, il y a une salle étroite dans la masse du mur, normalement inaccessible, il semblerait que cela fut le tombeau d'un saint ou la cellule d'un reclus. J'ai dit "normalement inaccessible" parce que maintenant, en grimpant on arrive à un trou qui permet d'y pénétrer, ce que j'ai fait. Je n'ai pas vu grand chose mais j'ai réussi à me couvrir de poussière...
Nous sommes dans une région où le bois est rare, aussi les habitants ont-ils dû se débrouiller pour couvrir leurs maisons. Tous les mètres (1,50m au maximum), ils ont construit des piliers solides qui soutiennent une arche en pierre. Cette arche permet de soutenir une série de dalles de pierres régulièrement disposées permettant de faire des édifices à plusieurs étages. Nous avons aussi vu deux pressoirs à vin très bien conservés (ou restaurés...). Sur la photo, vous voyez Élisabeth, une étudiante, qui nous explique le plan traditionnel de la maison de Shivta. (Elle est entourée par le Père Christian qui organise les voyages et le Père Jean-Baptiste un spécialiste d'archéologie et surtout de Qumran). Une cour avec plusieurs pièces autour. Une de ces pièces donne accès à un ensemble de pièces assez isolées. C'est la partie privée de la maison, là où on ne reçoit pas les invités. Celà s'appelle le Haram, mot qui a donné le harem, puisqu'évidemment on ne montre pas ses femmes à n'importe qui. A Shivta, nous avons pique-niqué puis encore une bonne demi-heure de bus vers Nizzana située sur la frontière égyptienne. Là aussi, cité nabatéenne et églises byzantines. Les Turcs et les Allemands y ont construit il y a cent ans un hôpital militaire sur les vestiges d'une forteresse. Le tout est en ruine. Au pied de la hauteur où est située la forteresse, on voit des vieux puits nabatéens dont la pierre a été usée par le frottement des cordes. Plus loin, une gare turque marquant le point extrême des chemins de fers turcs vers l'Egypte. Pensez à Lawrence d'Arabie qui faisait sauter les trains. (En passant, la scène du film a été tournée en Espagne...). Après Nizzana, nous avons longé la frontière égyptienne pendant quelques kilomètres et ensuite nous avons traversé le désert vers l'est. Passage dans le paysage lunaire du Maktesh Gadol (le grand cratère), traversée d'une zone militaire israélienne (photos interdites) et finalement descente de la Montée des Scorpions. Imaginez la descente de l'Alpe d'Huez en plein désert avec un route étroite (impossible de se croiser) et une série de bidons rouillés et remplis de gravats faisant office de garde fou... Cette descente suit une route romaine qui rejoint la dépression de la Aravah (celle de la Mer Morte). En plus, c'était la fin de l'après-midi et la lumière tourmentée était fabuleuse, jouant avec le gris sombre des nuages et les couleurs des rochers.
Arrivés en bas, nous avons pris vers le nord. Arrêt essence (et photo encore) puis halte à l'auberge de jeunesse de Massada ; dans le genre, c'est du **** ! Le repas du soir était excellent et copieux. Et nuit doucement réparatrice.
Hier, nous avons pris la route à 8h00 vers Ein Boqeq. Aujourd'hui, il y a tout un complexe hôtelier pour touristes richissimes (avec le McDo le plus bas du monde, 400m sous le niveau de la mer). Nous avons donc fait une petite baignade dans la Mer Morte. Je n'ai pas de photo parce que j'étais le premier à entrer dans l'eau et le dernier à en sortir... Mais Ein Boqeq, ce n'est pas que ça... Nous avons vu un petit fortin romain qui domine le site. De fait, on pouvait surveiller cet endroit. Puis, le Père Jean-Baptiste nous a expliqué le lieu puis a réalisé que la villa hasmonéenne qu'il voulait nous montrer se trouvait en fait sous les hôtels de luxe construits depuis 30 ans sur le site. La présentation d'Agnès de cette villa devenue industrie du baume s'est donc faite dans le fortin. Toute la région de la Mer Morte était réputée par son industrie du parfum : pour séduire Cléopâtre, Marc-Antoine lui a offert la Mer Morte et ses revenus. Vue la réaction de l'Egyptienne, cela devait représenter un joli cadeau et Hérode n'a eu de cesse que de récupérer les bénéfices de la région...
Puis nous sommes montés à Arad pour visiter le parc national de Tel Arad. Deux sites pour le prix d'un. Une ville cananéenne de l'âge du bronze (3200 ans avant JC) et une forteresse israélite (1000-500 ans avant JC). Le site est impressionnant, situé sur une hauteur qui domine toute la plaine. En plus, la pluie de ces derniers jours a permis de jouir d'un paysage verdoyant parsemé de fleurs (le fameux Diplotaxis erucoides). Nous avons d'abord visité le site cananéen. Une ville de 10 hectares soit environ 2 000 habitants entourée d'une muraille épaisse. Le système de stockage de l'eau est performant. Le site est aussi connu pour la structure de ses maisons : une cour, une grande pièce rectangulaire et une petite pièce perpendiculaire à la grande. Cette structure se retrouve dans de nombreux autres sites de la même époque et est appelée "maison d'Arad". Il y a des temples et des bâtiments administratifs. On a retrouvé un tesson de poterie portant le nom du Pharaon Narmer, premier pharaon de la première dynastie égyptienne, ce qui prouve les liens de la cité avec l'Egypte.
Puis nous sommes montés vers la forteresse israélite. L'endroit a été bien restauré par les archéologues hollandais. Le site est assez compliqué puisqu'on compte pas moins de douze couches d'occupation entre le 10° siècle avant JC et le 5° après. Aux niveaux correspondant au 8° siècle, on a retrouvé un temple dont la structure semble identique à celle du Temple de Salomon qui fonctionnait à la même époque : une cour avec un autel pour les sacrifices (à gauche de la photo) donne accès à un Hekal (le saint) puis à un Debir (le saint des saints) où seul pénétrait le prêtre, le tout est "orienté" vers l'ouest. Le hic, c'est que le sanctuaire contient deux stèles ; c'est-à-dire qu'on y honore deux dieux... Ce qui montre que le polythéisme a perduré longtemps dans la région malgré les tentatives royales d'unifier le culte. Il semble que le sanctuaire a disparu lors d'une des réformes royales. J'ai fait un petit topo sur le sanctuaire parce que les spécialistes se disputent pour savoir quand il a été construit et détruit...
Pique-nique reconstituant puis départ vers Beer Sheva. Le site rappelle l'histoire des patriarches. C'est là qu'Agar est abreuvée par un ange alors qu'elle erre dans le désert avec Ismaël. En Gn 22, Abraham fait alliance au puits avec Abimélek, d'où une étymologie possible pour la ville le "Puits du Serment". Ensuite, la ville est considérée comme la limite sud du territoire d'Israël qui va "de Dan à Beer-Sheva" (cf. Jg 20,1).
Le site archéologique est intéressant. La ville est construite sur une butte au confluent de deux ouadis. On voit bien tout le système de fortifications. A l'entrée, un puits splendide permet de rappeler l'histoire du lieu même si les vestiges que l'on voit datent en fait de l'âge du fer (10°-8° siècles environ). On a retrouvé dans les murs d'un des bâtiments les restes d'un autel en pierre taillée. Là aussi, il y a eu un sanctuaire mais les restes de l'autel sont le seul témoignage de sa présence, on ne sait pas où le temple se trouvait alors qu'on a fouillé toute la ville. Il est vraisemblable qu'il a disparu lors d'une des réformes religieuses. Nous avons vu aussi le système souterrain de stockage de l'eau. On y pénètre par un immense puits carré équipé d'escaliers antiques, cela donne accès à une série de citernes enduites et à la sortie on voit le canal souterrain qui les relie au ouadi Hebron. Il a fallu s'équiper de casques de chantier ! Le gardien du site nous houspillait pour qu'on aille vite car il était presque trois heures de l'après-midi et c'était bientôt Shabbat ! Surtout que ce week end, c'est Purim une fête liée à l'histoire d'Esther. Dans les rues, on voit les enfants déguisés (Barbie va être jalouse !).
Ensuite, nous sommes rentrés. Et le soir, dodo.
Ce matin, grasse matinée et au-revoir à Soeur Mireille, une religieuse protestante qui a passé un semestre ici.
Au revoir (voyez les deux petits arabes montés sur un âne dans le ouadi Sheva, quand le plus grand a vu que je les visais il a levé la main !)
Etienne+

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